Intervention de Corinne Morel-Darleux en soutien à Pierre Ripart et Anthony Auger

Vous trouverez ci-dessous une retranscription du discours de Corinne Morel-Darleux, Secrétaire Nationale du Parti de Gauche, soutien à Pierre Ripart et Anthony Auger, candidats Front de Gauche lors de la législative partielle dans la 2ème circonscription de l’Oise, organisée suite à l’invalidation de l’élection de Jean-François Mancel (UMP). Ce discours a été prononcé le 11 mars 2013 à Beauvais.

Intervention de Corinne Morel-Darleux en soutien à Pierre Ripart et Anthony Auger

Merci de m’avoir invitée dans cette 2e circo de Beauvais Sud, merci surtout aux militantes et militants qui ont organisé cette soirée dans une ambiance visiblement fraternelle et unitaire, ça fait chaud au coeur.

Je suis ravie de venir soutenir nos candidats du Front de Gauche, Pierre Ripart et Anthony Auger pour ces nouvelles législatives après leur joli score aux précédentes, et dont je salue le courage de repartir !

Parce que franchement, multiplier les assemblées citoyennes, organiser des meetings, rédiger des tracts, repiquer sur les comptes de campagne… Quand il y a tant de batailles militantes à mener en parallèle, Diable ! ce n’est pas évident.

Même si je sais, pour m’être présentée aux législatives face à Hervé Mariton, le plaisir combatif qu’il y a à mener la bataille politique quand il s’agit d’un député UMP sortant, qui plus est bien à droite…

Je suis élue dans la Drôme, département record pour l’agriculture bio mais aussi pour le nucléaire, dans un territoire rural où le foncier agricole se bétonne à coup de gares TGV et où l’eau est menacée entre autres par l’extraction des gaz de schiste, je pourrais vous en parler des heures…

Mais je crois que vous connaissez bien ce cadre.

Nous sommes aussi en zone rurale ici, où la question de la réforme de la PAC et du plafonnement des aides, du développement d’une agriculture paysanne et des circuits courts doit animer vos campagnes.

Je me suis aussi laisser dire que vous aviez l’eau la plus chère du département et qu’un travail était en cours sur la question de la régie publique, que vous avez résisté pas loin d’ici contre un projet de décharge de déchets ultimes, contre un projet d’incinérateur de déchets, soutenu par… Tiens, encore ? Un ancien sénateur UMP… Quelle terre de mission !

Déchets, eau, agriculture… Et comme si ça ne suffisait pas, voici un territoire qui manque cruellement de transports en commun et regorge en revanche d’usines qui ferment comme Merck Organon comme l’ont rappelé nos candidats.

Avec tout ça, chers amis, vous avez tout pour devenir férocement écosocialistes !

L’écosocialisme… Une réponse concrète à des problèmes concrets.
Un projet qui secoue à la fois la tradition socialiste et le mouvement historique de l’écologie.

Parce que le socialisme a toujours visé à l’émancipation, mais il lui manquait une composante essentielle, celle de la préservation écologique des conditions même qui rendent la vie humaine possible sur terre.

Et que l’écologie historiquement a eu un peu tendance à oublier l’analyse économique du système et à regarder de loin les luttes sociales.

L’écosocialisme au contraire marie les deux. C’est le mélange détonant d’un socialisme débarrassé de la logique productiviste et d’une écologie farouchement anticapitaliste.
C’est un projet qui défend à la fois les droits humains et l’écosystème, qui replace le système productif et l’économie au service du progrès humain et des besoins réels.
En un mot, c’est le bien vivre.

Il nous appartient aujourd’hui de donner corps à ce projet en conjuguant justice sociale et préservation de l’environnement.

A nous, car personne d’autre ne le fera à notre place !

Il n’y a pas de candidat EELV ici, c’est dommage, on aurait pu dire deux mots de la lente dérive de ce mouvement.
Mais je vais le faire quand même…

Parce que tout de même, j’aimerais dire un mot du contexte national et de la politique du gouvernement en la matière.

Ce gouvernement qui se dit « socialiste » et envoie des CRS matraquer les salariés d’Arcelor Mittal devant le Parlement européen, qui veut laisser le Medef faire la loi avec l’ANI plutôt que de défendre les intérêts des salariés, qui vide d’une partie de son contenu la loi d’amnistie sociale en excluant les défenseurs des migrants et de l’environnement…

Ce gouvernement dont une des composantes se dit « écologiste » mais n’hésite pas à se féliciter de la confirmation par Hollande du report de la fermeture de Fessenheim à 2016 !
Qui ferme les yeux sur les agissements d’Areva au Niger et ne bronche pas quand un décret paraît pour autoriser les 44 tonnes sur la route alors même que le Ministre des Transports Cuvellier se félicite du 4e paquet ferroviaire adopté à l’Union européenne qui signera la fin des TER et du service public du rail !

Pardon, mais que ce soit en matière de social ou d’environnement, on ne peut pas dire que le changement soit très clair.

Et qu’on ne vienne pas nous raconter que c’est une question de budget contraint.
L’austérité on connaît, ça ne marche que quand ça les arrange :
Le projet insensé d’aéroport à Notre Dame des Landes, c’est 131 millions pour l’État.
La douteuse et coûteuse ligne à grande vitesse Lyon-Turin : 8,5 milliards.
L’absurde et dangereux site d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure : 35 milliards !

… Et pourtant, ils ne trouvent pas 1 milliard pour nationaliser Florange, préserver les emplois et une ressource sidérurgique essentielle pour produire l’acier dont nous avons besoin ici, pour relocaliser l’activité ?!

… Et pourtant, rien n’est fait pour anticiper la raréfaction du pétrole, planifier la reconversion de l’outil industriel, comme dans l’industrie automobile, et préserver les emplois !

Où est la stratégie industrielle ? Où est la transition ?
Où est la volonté politique ?
Où est, surtout, l’alternative ?
Eh bien je vais vous dire.
Elle est chez nous, les écosocialistes.

Et on le prouve, cartes sur table.
Notre contre budget a prouvé que la relance écologique de l’activité par la demande, c’est 30 milliards d’euros d’économies.
La suppression des niches fiscales, taxation de la publicité et hausse de la TVA sur les produits de grand luxe : 42 milliards d’euros par an.

La réforme et progressivité de l’impôt sur le revenu, le revenu maximum, la réintégration des revenus du capital : 20 milliards d’euros !

Voilà de quoi créer un pôle public de l’énergie, engager un plan massif de rénovation thermique des logements, soutenir l’agriculture paysanne sans OGM, bio et locale, et enfin mettre en place un vrai projet écosocialiste !

Une fois de plus, si eux ne savent pas, nous on peut !

L’écologie a été la colonne vertébrale de notre projet politique « L »humain d’abord » , avec la planification écologique comme projet de relance de l’activité et alternative à l’austérité.

Je parle là bien sûr d’écologie politique, une écologie sociale qui fait le lien entre l’urgence environnementale, la crise sociale et le système économique.

Pas du capitalisme vert qui ne voit dans la pollution et le dérèglement climatique qu’une nouvelle source de profits.
Pas de l’environnementalisme béat prêt à laisser le soin de la biodiversité aux branches « développement durable » des multinationales Suez, Veolia et autres Total ou Vinci.
Non, je parle ici de « planification écologique ».

Entre parenthèses… Au début, quand on a commencé à parler de « planification écologique », la moitié de la salle s’évanouissait.
C’était un gros mot. Comme anticapitalisme, radical ou peuple.
Ça va mieux aujourd’hui… Preuve que nous avons fait un gros travail de pédagogie et de lutte contre l’idéologie dominante.
Je referme la parenthèse.

Notre planification écologique part de quelques idées… Simples, mais révolutionnaires.
1. La transition nécessaire des modes de production et de consommation ne se fera pas en un jour.
2. Elle ne peut pas être laissée au bon vouloir des multinationales privées dont le seul but est de maximiser les profits.
3. Seule la collectivité est à même de garantir l’intérêt général.
4. La bifurcation écologique doit donc être pilotée sur le long terme, planifiée, et replacée sous maîtrise publique.

Ce n’est pas un à-côté de nos politiques.
Il en va de la vie même sur Terre.
Dérèglement climatique, perte de biodiversité, pollution de l’air, de l’eau et des sols, épuisement des ressources naturelles…
Nous ne devons jamais oublier qu’il n’y a qu’un seul écosystème humain, qui ne connait pas de frontières.
Nous l’avons vu avec la marée noire du Golfe du Mexique ou Fukushima.
Les décisions qui sont prises à un endroit sur la planète ont des répercussions partout ailleurs.

Or le capitalisme et son productivisme ont un intérêt contraire à sa préservation.
Produire toujours plus, vendre toujours pour toujours plus de profits.
Ce sont donc toujours plus de pollutions, de prédations sur des ressources finies car non renouvelables et toujours plus d’inégalités sociales.

Pour préserver nos biens communs, garantir nos besoins fondamentaux, pour préserver notre écosystème, nous devons sortir des logiques de marché et de profits individuels.

Cela veut dire concrètement qu’en matière d’énergie par exemple, nous demandons la création d’un pôle public de l’énergie, avec la nationalisation des grandes entreprises françaises du secteur, pour mettre en œuvre des politiques publiques fortes en matière de réduction de nos consommations et d’énergies renouvelables.
Avec un cadre national qui garantisse l’égalité républicaine, et le même droit d’accès, où qu’on vive sur le territoire, mais aussi l’implication, localement, de tous les acteurs, usagers et citoyens, aux prises de décision.

Rien de tout cela n’est possible sans la désobéissance à l’Europe libérale et à ses directives européennes de casse des services publics, comme pour la libéralisation du rail ou de l’électricité.
En France, le prix de l’électricité a doublé depuis l’ouverture des marchés à la concurrence et ce sont 10 millions de personnes qui sont en situation de précarité énergétique.
Se battre contre cette Europe Libérale, c’est se battre pour l’intérêt général, social et écologique.
En un mot, la planification écologique, vous le voyez, nous permet d’avoir une vision systémique, à la fois sur les questions d’environnement mais aussi de modèle industriel, économique, et de démocratie.

Voilà ce que nous plaçons au coeur de nos débats, assemblées citoyennes et meetings partout en France.
Et parfois au-delà de nos frontières, où notre démarche rencontre un écho grandissant.

Aujourd’hui nous avons gagné notre légitimité sur le terrain de l’écologie, et réussi à faire évoluer une vision très « béton électricité » issue d’une certaine tradition de la gauche en France.
En gros, celle qui croyait encore au traditionnel triptyque production – croissance – consommation.
Aujourd’hui nous savons que la relance de la croissance économique, au sens du PIB, en plus d’être économiquement très hypothétique, n’est ni souhaitable ni tenable du point de vue des ressources naturelles et des écosystèmes.
Nous savons aussi que les richesses existent, et qu’il n’y a pas lieu d’attendre la relance pour les distribuer.
Ce qui manque, c’est le courage politique d’aller les reprendre dans les poches des riches et de les remettre là où elles n’auraient jamais du cesser d’être, au service du peuple.
Nous avons réussi à inverser dans un nombre d’esprits grandissant la logique traditionnelle de l’offre et la demande.
Car l’antiproductivisme, c’est tout simplement ça : cesser de raisonner en termes de production à écouler sur le marché, où peu importe ce qu’on produit, comment et où, mais au contraire repartir des besoins sociaux, et non de ceux des actionnaires qui ont besoin de produire toujours plus pour augmenter leurs profits.

Bien sûr, ces notions d’écosocialisme, d’objection de croissance, d’anitproductivisme ou encore d’écologie politique et radicale ne sont pas encore totalement partagées.
Nous nous heurtons encore parfois aux réflexes d’opposition entre création d’emplois et préservation de l’environnement sur de nombreux sujets, souvent des projets industriels.
Avec le taux de chômage et la crise, l’argument de l’emploi est souvent mis en avant au détriment de l’environnement.
Et pourtant, on sait bien que la relocalisation et la transition écologique permettraient de créer de nombreux emplois, locaux et pérennes.
On sait aussi le coût catastrophique du laisser faire en matière économique et sociale :
Selon le cabinet d’études BCG, la seule augmentation du prix du pétrole pourrait détruire 100 000 emplois dans l’industrie automobile dans les 5 à 10 ans à venir !

Cet exemple montre bien que la question n’est pas de savoir si l’écologie produit ou détruit de l’emploi, mais de savoir si on laisse le marcher faire, ou si on les crée là où on en a besoin.
C’est tout le sens de la planification écologique.

Une politique non interventionniste table sur la création de 600 000 emplois dits « verts ».
En conjuguant relocalisation des activités, réindustrialisation sur des bases sociales et environnementales, reconversion de l’outil de production et une plus forte redistribution du travail, une politique interventionniste pourrait produire plusieurs millions d’emplois.

Mais cela ne se fera évidemment pas sans des liens forts avec le monde du travail.
Et sur ce sujet de l’écologie, soyons honnêtes, ils sont à recréer.

Parce que précisément des décennies de discours environnemental opposant les uns et les autres, culpabilisant les citoyens, pointant du doigt les syndicats,
ont aussi dressé toute une catégorie de la population contre l’écologie, contre une certaine écologie, et radicalisé les positions de part et d’autre.

Nous ne nous reconnaissons pas dans cette écologie là.
Celle qui culpabilise les individus pour mieux éviter le vrai débat : celui de la responsabilité du mode de production capitaliste.
Celle qui porte les fausses solutions du capitalisme vert, lorsqu’on nous explique que pour sauver la planète, il faut se brosser les dents sous la douche.
C’est une écologie d’accompagnement, qui prend le problème par le petit bout de la lorgnette, coupée des classes populaires, sans critique sérieuse de l’économie mondialisée, et sans vision sociale.

C’est pourquoi une des vraies nouveautés de la planification écologique et de l’approche du Front de Gauche, c’est de faire le lien systématiquement entre les questions écologiques et sociales, et d’y associer le monde du travail, les syndicats, les salariés en lutte pour leur emploi.
En somme, nous avons réappris à penser l’écologie en repartant des besoins sociaux.

Et c’est ainsi que nous avons, au mois de mars 2012, organisé le premier Forum national réunissant des représentants des salariés en lutte venus de toute la France.
Ils ont présenté et échangé sur leurs projets de reprise, par les salariés eux mêmes, souvent sous forme de coopératives, et en y intégrant systématiquement un volet de planification écologique.
La raffinerie de Petroplus, les papeteries M-Real, le thé des Fralib, les acieries d’Arcelor, la pétrochimie d’Arkema…
Ce sont eux qui font tourner les machines, eux qui connaissent l’outil de production, eux qui possèdent les compétences.
La reconversion écologique ne se fera pas sans eux, encore moins contre eux.

Voilà notre défi.

Et aujourd’hui, il a un nom.
Il s’appelle écosocialisme.

Car l’écosocialisme c’est exactement ça, en sommes tels des Monsieur Jourdain de la politique, nous en faisons sans le nommer depuis 4 ans !

Mais aujourd’hui nous devons nommer ce projet, oser le définir et lui donner vie.
Car nous ne pouvons pas continuer à résister et lutter sans construire une alternative politique à la droite, à l’extrême droite et aux libéraux en tout genre.
Et cette alternative a besoin d’un projet crédible et porteur d’espoir.

Un projet qui donne à voir qu’une autre société est possible, pour que la colère qui s’accumule dans notre pays ne bascule pas du côté de la haine.
Gramsci disait « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».
Les combattre, voilà ce que nous faisons.

Et dans ce cadre, construire le projet écosocialiste est un investissement politique essentiel pour l’avenir de notre gauche, en France et à l’étranger.
Le Parti de Gauche a donc lancé les Assises pour l’écosocialisme le 1er décembre 2012 à Paris, vite rejoint par d’autres organisations du FDG, en présence de nombreuses personnalités, associations, syndicats et revues.

Face au succès de cette première édition, il a été décidé d’en faire un processus permanent, co-organisé par un comité national et alimenté de nombreuses initiatives locales.

Notre Manifeste et ses « 18 thèses pour l’écosocialisme » en est à la fois le premier résultat et le tout début.

Il a déjà déjà été débattu à Nice, Marseille, dans l’Héraut, au Maghreb, et bientôt à Clermont Ferrand, dans l’Aveyron, en Champagne Ardennes, Poitou-Charentes, au Havre, à Grenoble, Valence, Lyon, Toulouse, dans le Doubs, à Brest, Chambéry, dans l’Essonne, l’Aude, le Gard, et les Pyrénées Orientales !

… Et qui sait, peut être dans l’Oise ?
En conclusion, amis, camarades,

Pour rompre avec le système capitaliste et effectuer la nécessaire bifurcation sociale et écologique, nous disposons désormais d’un projet : l’écosocialisme, de la planification écologique comme programme et d’une stratégie, la révolution citoyenne, c’est à dire à la réappropriation de la politique par chacun.

Combinés, ils nous donnent les outils pour mener de front lutte institutionnelle, bataille culturelle et résistances de terrain.
Il faudra bien ça pour redonner aux citoyen-ne-s le goût de la politique, la vraie.
Celle qui agit pour l’intérêt général et rend un autre monde possible.

Paul Eluard a écrit « Un autre monde existe, il est dans celui-ci ».

Allons le chercher… En tandem, dès Dimanche, avec Pierre et Anthony !

Corinne Morel-Darleux, secrétaire Nationale du Parti de Gauche

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